'La directive Bolkestein n'est pas retirée'. Elle attendra le 'oui' au Traité et à ses articles 144 et 209
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Le compte-rendu
officiel du Conseil Européen publié quelques heures après rétablit la vérité.
Aucune agence de presse, aucun journal ou presque n'a pu, su, voulu (?) le citer
tant il est limpide sur le fait que la Directive Bolkestein n'est nullement
enterrée.
Le Conseil affirme en effet : "la directive ne sera pas retirée.
C’est la seule Commission qui pourrait le faire. "
Voilà qui est clair.
La suite du Communiqué officiel est très éloquent sur la réalité de la répartition
des pouvoirs dans l'Union européenne entre organes démocratiques puisque
intergouvernementaux (le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement)
et organes non élus (Commission notamment) : " Le Conseil Européen
n’a pas le droit de donner des injonctions de ce type à la Commission européenne.
"
La fin du Communiqué rappelle, à juste titre, que c'est en application de
l'agenda de Lisbonne fixé par le même Conseil européen - Jacques Chirac
compris - que la directive Bolkestein organisant le marché des services sera
bel et bien maintenue : " Si la directive était retirée, nous
donnerions l’impression que l’ouverture des services aurait disparu de
l’agenda européen. Elle doit rester sur l’agenda européen puisque la stratégie
de Lisbonne qui parle de croissance, d’emploi, de compétitivité implique que
nous ouvrions le marché des services."
Pour Philippe de Villiers, " cette déclaration signifie clairement
qu’il y aura une petite toilette de printemps à la diligence de la commission
mais que la Commission de Bruxelles n’a pas l’intention d’aller au-delà
d’un simple jeu d’amendement. "
Rappelons d'abord que la proposition de directive concernera d'une manière
ou d'une autre tous les Français puisque 70% de nos emplois sont des emplois de
service.
La Commission a elle-même décompté plus de 5.000 métiers touchés, allant
des professions commerciales, artisanales comme plombier ou charpentier en
passant par la construction, la distribution, le tourisme, les transports, les
services de santé et de couverture sociale, les services environnementaux, les
cabinets d’architecte, les activités culturelles ou encore les agences de
recrutement.
Il faut y ajouter toutes les autres activités économiques, y compris
industrielles, par le biais des agences de travail intérimaires.
La directive permettra en effet d'embaucher des intérimaires pour 18 mois
maximum. Les cas déjà constatés sont édifiants : une école en Suède
construite par des ouvriers lettons rémunérés aux salaires en vigueur en
Lettonie (moins du tiers des salaires Suédois) ; un orchestre symphonique
allemand utilisant des musiciens Tchèques rémunérés 30,00 euros par jour en
liquide, l'employeur se vantant d'anticiper la directive Bolkestein.
Aux partis du "oui" qui veulent faire croire aujourd'hui que
"la directive est retirée", qu'elle est "inacceptable",
rappelons qu'ils l'ont tous voté d'une manière ou d'une autre.
- 13 février 2003 : Le Parlement européen (dont UMP+PS+Verts) vote une
Résolution qui considère comme "essentiel" le principe du pays
d'origine :
- 13 janvier 2004 : la Commission adopte à l'unanimité (donc M.M
Barnier et Lamy compris) et dans l’indifférence générale le projet de
directive auquel le commissaire au Marché intérieur, le libéral Hollandais
Frits Bolkestein, travaillait depuis un an.
- 26 mars 2004 : le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement confirme
leur volonté de voir la directive aboutir dès 2005 : "l'examen du projet
de directive sur les services doit être une priorité absolue"
- 18 novembre 2004 : le Conseil d’Etat (saisi par le Premier ministre
J.P Raffarin) valide le principe de la clause du "pays d’origine"
Rappelons enfin, que la Constitution européenne élargit, consacre et élève
au niveau constitutionnel les fondements de la directive Bolkestein.
Art 1-3 alinéa 2 "l’Union se fixe pour objectif un marché intérieur
où la concurrence est libre et non faussée ”.
Art 1-4 considère comme “ libertés fondamentales ” : “ La libre
circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi
que la liberté d’établissement...garanties par l’Union..."
= C’est au nom de cet objectif que la directive Bolkestein va tenter de lever
tous les obstacles qui entravent ces “ libertés ” : les services publics,
les monopoles de Sécurité sociale, les droits du travail nationaux, la
protection des usagers et des consommateurs.
Art III-137 : “ les restrictions à la liberté d’établissement des
ressortissants d’un Etat-membre sur le territoire d’un autre Etat membre
sont interdites. ”
= La directive en tire les conséquences avec le principe de l'exportation du
droit du pays d'origine.
Art III-144 “ les restrictions à la libre prestation des services à
l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des
Etats-membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la
prestation ”.
= Exemples : Impossible d’imposer aux officines pharmaceutiques venant d’un
autre pays de l’Union des normes d’implantation en fonction de la population
ou d’une distance géographique minimum entre prestataires ; d’imposer à
des entreprises de construction polonaises ou baltes, le respect des conventions
collectives ou tout simplement du droit du travail du pays destinataires ;
d’imposer à une entreprise de construction slovaque ou lettone le respect des
règles de sécurité pour les échafaudages ou les chantiers de désamiantage ;
de respecter le système de Sécurité sociale du pays hôte.
Art III-145 : “ Aux fins de la Constitution, sont considérés comme
services, les prestations fournies normalement contre rémunération ”.
= Combinée à l’absence de définition des services publics et aux
restrictions apportées aux SIEG au nom de la concurrence “ libre et non faussée
”, n'en sont exclus en pratique que : la police, la justice (sauf frais
d’avocats) l’armée. Aucun service public n’est gratuit : on paie
l’inscription en fac, une partie de l’enseignement est privé et
l’enseignement est donc payant, une partie des frais hospitaliers sont à la
charge du patient.
Art III-147 : « La loi-cadre européenne établit les mesures pour réaliser
la libéralisation d’un service déterminé. »
L'article III-148 : « Les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation
des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi-cadre
européenne»
= Les Etats sont même encouragés à aller au-delà des lois européennes en
matière de libéralisation des services...
Art III-209 : “ Le fonctionnement du marché favorisera l’harmonisation
des systèmes sociaux ”.
= Voilà exactement l’objectif de la directive Bolkestein : favoriser
l’harmonisation par le bas des systèmes sociaux en les mettant en concurrence
directe les uns avec les autres.
Même inspiration, même esprit parce mêmes auteurs : les deux textes ont été
approuvés à trois mois d'intervalle par le même Conseil européen des chefs
d'Etat et de gouvernement : en mars 2004 pour la directive services, en juin
2004 pour la constitution européenne.
Seul le "Non" à la Constitution européenne offre une chance de négocier
et réécrire un Traité qui entende le message des peuples refusant l'explosion
de leur modèle économique et social.
Ce sera le 29 mai, ou jamais.