BOLKENSTEIN

 

Tony Blair annonce le retour de Bolkestein après le référendum Français. Nouvelle claque pour le 'oui'.

Le "oui" continue sans rire à expliquer aux Français médusés que cette Europe sera un "démultiplicateur de puissance". Et de les implorer d'approuver une Constitution qui généralise le vote à la majorité qualifiée au nom de "l'efficacité"...Mais revoilà Bolkestein pour nous rappeler qu'en acceptant d'avance une règle qui assure sa mise en minorité et la primauté absolue de la loi européenne, la France n'est plus un Etat souverain. On se souvient qu'en dépit du communiqué officiel signifiant le maintien de la directive Bolkestein, les partisans du "oui" avaient crié au succès à l'issue de la dernière réunion du Conseil la semaine dernière. C'est cette fois le Premier ministre britannique Tony Blair lui-même qui indique que la Grande Bretagne utiliserait son influence au cours de sa présidence (2nd semestre 2005) pour achever l'élaboration de ce texte.

Blair veut remettre la directive Bolkestein sur les rails durant la Présidence britannique de l'Union.

Des sources proches du gouvernement indiquent que Tony Blair a bon espoir de faire adopter ce texte avec des amendements mineurs, malgré l'opposition de la France. Il considère en effet que les nouveaux Etats membres lui apporteront un soutien crucial, le porte parole du gouvernement britannique indiquant que les opposants à la directive sont "très en minorité".

Interrogé sur l'opposition française à la directive, il a répondu " Il s'agit d'une Europe à 25, et ce sont 25 pays qui décident ". (Business 27 mars 2005). Lors d'un débat parlementaire qui a suivi la réunion des chefs d'Etats et de gouvernements, Tony Blair a déclaré : " La directive sur les services est au coeur de la nouvelle phase de l'agenda de Lisbonne. Les services représentent 70% de l'économie de l'Union européenne et du Royaume Uni. Cette directive a pour objet de libéraliser ce marché. Elle le fait en exigeant des gouvernements qu'ils facilitent l'implantation de sociétés européennes sur leurs territoires " a-t-il ajouté. " Si la directive avait été retirée, comme certains le souhaitaient, cela aurait été une grave erreur pour l'économie européenne " (Hansard, 24 mars 2005 - Hansard est le procès verbal des débats de communes).

Ann Melter, du très influent think tank "Lisbon Council", déclare que ce serait " une erreur de croire qu'avoir repoussé dans le temps la directive était une victoire de ses opposants ". Faisant référence à la Présidence britannique de l'Union européenne elle déclare : " Tout cela sera bien différent lorsque les britanniques prendront la Présidence ". (UPI, 23 mars 2005)

En fin de compte, la France sera défaite par une majorité au Conseil

Blair planifie des représailles contre l'offensive de Chirac sur la réforme de l'UE

Extrait du "Times" de Londres publié le 25 mars

(Article de David Charter & Charles Bremner traduit par nos soins)

Tony Blair a répliqué hier aux déclarations de Jacques Chirac revendiquant une victoire française sur les règles du marché de l'emploi [directive Bolkestein]en déclarant qu'en fin de compte, la France serait défaite par une majorité au Conseil.

M. Blair a déclaré aux membres des communes que sa vision d'un marché du travail et des services libéralisés a reçu le soutien de " nombreux autres gouvernements " au cours de discussions privées, et que cette vision finirait par l'emporter.

Alors que le M. Chirac se vantait auprès de ses ministres des concessions qu'il a obtenu lors du Conseil de l'UE de mercredi dernier, M. Blair disait à ses députés que " la décision finale se ferait à la majorité qualifiée ", signifiant que la France pourrait être dans l'incapacité de bloquer les mesures de libéralisation.

Le Président Français, cependant, soulignait le fait que sa charge contre la directive Bolkestein lui avait " permis de montrer comment l'Europe fonctionnait réellement ".

M. Chirac subit en effet une grande pression pour noyer la directive sur les services afin de sauver sa campagne de plus en plus compromise pour le Oui au référendum sur la Constitution européenne.

Prétendant avoir débusqué les aspects libéraux d'un texte qui mettrait en danger l'emploi en France, il a ajouté : " La Commission propose, mais le Conseil, c'est à dire les Etats prennent les décisions ". M. Chirac s'est assuré d'avoir le dernier mot en attendant le départ des autres leaders européens avant de prétendre durant sa conférence de presse qu'il avait réussi à diluer la directive. Il se dit aussi que les dirigeants européens, y compris M. Blair, ont laissé M. Chirac s'assurer d'une réécriture du texte et en faire la publicité afin de l'aider à gagner son référendum.

La directive sur les services sera bien remaniée mais il a encore devant elle une longue procédure avant de devenir une réglementation européenne.

Toutefois, lors de sa conférence de presse, M. Chirac a tancé M. Blair sur le rabais (rabais sur la contribution britannique au budget de l'Union européenne) en l'avertissant que le " chèque britannique " (en français dans le texte) n'avait plus de justification. Hier, M. Blair, qui a quitté Bruxelles sans faire de commentaire, a pris sa revanche sur M. Chirac en associant la France à ceux qui résistent à une modernisation de l'Union européenne. Il a également dit clairement qu'une majorité de dirigeants européens étaient prêts à défendre la conception libérale (free market) britannique.

M. Blair a déclaré aux Communes : " par chance, la décision ultime sera prise à la majorité qualifiée... avoir retiré cette directive, comme certains le souhaitaient, aurait été une grave erreur pour l'économie européenne " et " Son adoption sera un test pour le sérieux de l'Europe en matière de réforme ". Il a ajouté : " L'enjeu... c'est l'avenir du modèle social européen ". " Certains, notamment en France, croient que ce modèle doit perdurer dans sa forme actuelle. D'autres, comme la Grande-Bretagne, croient fermement dans la dimension sociale de l'Europe mais veulent la mettre à jour pour tenir compte des réalités de l'économie moderne ".

Certains vont inévitablement voir dans l'attaque de M. Blair contre M. Chirac, une tentative de renforcer le "non" en France, lui épargnant le souci d'avoir à en tenir un au Royaume-Uni.

Le Président Chirac a été accueilli à son retour de Bruxelles comme un héro par son camp de centre-droit, hier, et par les railleries de son opposition socialiste. Les partisans de la campagne d'un Oui en plein désarroi on pu déclarer que le vent avait tourné en leur faveur et y voyait une solide démonstration par M. Chirac de ce que la France peut encore imposer sa volonté sur une Union qu'elle estime dominée par la Grande-Bretagne.

François Hollande, le leader socialiste, dont le parti fait officiellement campagne pour le Oui au scrutin du 29 mai déclare : " Nous aurions du faire ceci il y a bien longtemps, cela nous aurait épargné toute cette confusion ". Le camp du non, composé de la gauche et la droite extrême déclare que M. Chirac a tout juste négocié un délai repoussant la directive tant haïe. Ils ont raillé la rhétorique gauchisante et anti-mondialiste utilisée par M. Chirac pour dénoncer l'Europe "libérale". Le Figaro a souligné que M. Chirac reçu une correction de la part de la Grande-Bretagne, à peine douze heures après que Tony Blair l'ait aidé dans l'affaire de la directive sur les serivces

 

'La directive Bolkestein n'est pas retirée'. Elle attendra le 'oui' au Traité et à ses articles 144 et 209

Le compte-rendu officiel du Conseil Européen publié quelques heures après rétablit la vérité.

Aucune agence de presse, aucun journal ou presque n'a pu, su, voulu (?) le citer tant il est limpide sur le fait que la Directive Bolkestein n'est nullement enterrée.

Le Conseil affirme en effet : "la directive ne sera pas retirée. C’est la seule Commission qui pourrait le faire. "
Voilà qui est clair.

La suite du Communiqué officiel est très éloquent sur la réalité de la répartition des pouvoirs dans l'Union européenne entre organes démocratiques puisque intergouvernementaux (le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement) et organes non élus (Commission notamment) : " Le Conseil Européen n’a pas le droit de donner des injonctions de ce type à la Commission européenne. "

La fin du Communiqué rappelle, à juste titre, que c'est en application de l'agenda de Lisbonne fixé par le même Conseil européen - Jacques Chirac compris - que la directive Bolkestein organisant le marché des services sera bel et bien maintenue : " Si la directive était retirée, nous donnerions l’impression que l’ouverture des services aurait disparu de l’agenda européen. Elle doit rester sur l’agenda européen puisque la stratégie de Lisbonne qui parle de croissance, d’emploi, de compétitivité implique que nous ouvrions le marché des services."

Pour Philippe de Villiers, " cette déclaration signifie clairement qu’il y aura une petite toilette de printemps à la diligence de la commission mais que la Commission de Bruxelles n’a pas l’intention d’aller au-delà d’un simple jeu d’amendement. "

Rappelons d'abord que la proposition de directive concernera d'une manière ou d'une autre tous les Français puisque 70% de nos emplois sont des emplois de service.

La Commission a elle-même décompté plus de 5.000 métiers touchés, allant des professions commerciales, artisanales comme plombier ou charpentier en passant par la construction, la distribution, le tourisme, les transports, les services de santé et de couverture sociale, les services environnementaux, les cabinets d’architecte, les activités culturelles ou encore les agences de recrutement.

Il faut y ajouter toutes les autres activités économiques, y compris industrielles, par le biais des agences de travail intérimaires.
La directive permettra en effet d'embaucher des intérimaires pour 18 mois maximum. Les cas déjà constatés sont édifiants : une école en Suède construite par des ouvriers lettons rémunérés aux salaires en vigueur en Lettonie (moins du tiers des salaires Suédois) ; un orchestre symphonique allemand utilisant des musiciens Tchèques rémunérés 30,00 euros par jour en liquide, l'employeur se vantant d'anticiper la directive Bolkestein.

Aux partis du "oui" qui veulent faire croire aujourd'hui que "la directive est retirée", qu'elle est "inacceptable", rappelons qu'ils l'ont tous voté d'une manière ou d'une autre.

- 13 février 2003 : Le Parlement européen (dont UMP+PS+Verts) vote une Résolution qui considère comme "essentiel" le principe du pays d'origine :

- 13 janvier 2004 : la Commission adopte à l'unanimité (donc M.M Barnier et Lamy compris) et dans l’indifférence générale le projet de directive auquel le commissaire au Marché intérieur, le libéral Hollandais Frits Bolkestein, travaillait depuis un an.

- 26 mars 2004 : le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement confirme leur volonté de voir la directive aboutir dès 2005 : "l'examen du projet de directive sur les services doit être une priorité absolue"

- 18 novembre 2004 : le Conseil d’Etat (saisi par le Premier ministre J.P Raffarin) valide le principe de la clause du "pays d’origine"

Rappelons enfin, que la Constitution européenne élargit, consacre et élève au niveau constitutionnel les fondements de la directive Bolkestein.

Art 1-3 alinéa 2 "l’Union se fixe pour objectif un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ”.

Art 1-4 considère comme “ libertés fondamentales ” : “ La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement...garanties par l’Union..."


= C’est au nom de cet objectif que la directive Bolkestein va tenter de lever tous les obstacles qui entravent ces “ libertés ” : les services publics, les monopoles de Sécurité sociale, les droits du travail nationaux, la protection des usagers et des consommateurs.

Art III-137 : “ les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat-membre sur le territoire d’un autre Etat membre sont interdites. ”

= La directive en tire les conséquences avec le principe de l'exportation du droit du pays d'origine.

Art III-144 “ les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des Etats-membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation ”.

= Exemples : Impossible d’imposer aux officines pharmaceutiques venant d’un autre pays de l’Union des normes d’implantation en fonction de la population ou d’une distance géographique minimum entre prestataires ; d’imposer à des entreprises de construction polonaises ou baltes, le respect des conventions collectives ou tout simplement du droit du travail du pays destinataires ; d’imposer à une entreprise de construction slovaque ou lettone le respect des règles de sécurité pour les échafaudages ou les chantiers de désamiantage ; de respecter le système de Sécurité sociale du pays hôte.

Art III-145 : “ Aux fins de la Constitution, sont considérés comme services, les prestations fournies normalement contre rémunération ”.

= Combinée à l’absence de définition des services publics et aux restrictions apportées aux SIEG au nom de la concurrence “ libre et non faussée ”, n'en sont exclus en pratique que : la police, la justice (sauf frais d’avocats) l’armée. Aucun service public n’est gratuit : on paie l’inscription en fac, une partie de l’enseignement est privé et l’enseignement est donc payant, une partie des frais hospitaliers sont à la charge du patient.

Art III-147 : « La loi-cadre européenne établit les mesures pour réaliser la libéralisation d’un service déterminé. »

L'article III-148 : « Les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi-cadre européenne»

= Les Etats sont même encouragés à aller au-delà des lois européennes en matière de libéralisation des services...

Art III-209 : “ Le fonctionnement du marché favorisera l’harmonisation des systèmes sociaux ”.

= Voilà exactement l’objectif de la directive Bolkestein : favoriser l’harmonisation par le bas des systèmes sociaux en les mettant en concurrence directe les uns avec les autres.

Même inspiration, même esprit parce mêmes auteurs : les deux textes ont été approuvés à trois mois d'intervalle par le même Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement : en mars 2004 pour la directive services, en juin 2004 pour la constitution européenne.

Seul le "Non" à la Constitution européenne offre une chance de négocier et réécrire un Traité qui entende le message des peuples refusant l'explosion de leur modèle économique et social.

Ce sera le 29 mai, ou jamais.